Depuis lundi dernier 25 novembre, les salariés de Radio France sont en grève. Ils s’opposent à un plan de restructuration qui entraînerait près de 300 suppressions de postes. Au milieu d’un projet affectant tous les corps de métier, le chœur de Radio France est particulièrement touché puisqu’il perdrait un tiers de ses effectifs. Une remise en question de son statut de chœur symphonique et, à terme, la perte d’un patrimoine musical reconnu.

Une partie du chœur de Radio France en concert ©Jean-Pierre Dalbéra

30 personnes de moins, sur 90. C’est la réduction drastique de ses effectifs que subira le chœur de Radio France si le plan de restructuration de l’entreprise, actuellement programmé par sa direction, est appliqué. Une décision lourde de conséquences à court et à long terme.

Si tout le monde peut citer les noms d’au moins quatre ou cinq stations de Radio France, on sait un peu moins qu’elle abrite des ensembles musicaux professionnels. Aujourd’hui, ce sont deux orchestres (l’orchestre national de France et l’orchestre philharmonique de Radio France), le chœur de Radio France et, enfin, la Maîtrise (qui accueille des enfants) qui sont abrités par la « Maison ronde ».

Fondé en 1947 par la fusion de deux chœurs, le chœur rassemble des professionnels de haut niveau. On y entre après un concours particulièrement difficile et ses membres viennent de tous les pays du monde. Il est à ce jour, en France, le seul chœur professionnel permanent à vocation symphonique. La qualité de ses prestations est reconnue internationalement.

Un changement de nature

Déjà, ces dernières années, les effectifs du chœur ont été progressivement réduits : entre 2015 et 2019, ils sont passés de 114 à 93 personnes. Mais c’est une diminution beaucoup plus drastique qui est programmée dans le plan de restructuration de l’entreprise. Il s’agit en effet de descendre à 60 personnes. Ce qui n’est pas sans conséquence, car c’est un changement de la nature même du chœur, qui ne serait alors plus un chœur symphonique. Concrètement, cela signifie que certaines œuvres de grande ampleur ne seraient plus abordables et le chœur ne serait plus en mesure de répondre à la demande des orchestres comme il le fait actuellement. A titre d’exemple, parmi les dernières œuvres qu’il a interprétées, le Requiem, le Te Deum ou la Damnation de Faust de Berlioz, la 2e symphonie de Malher, la 9e symphonie de Beethoven, le Requiem de Verdi ou encore les Carmina Burana de Carl Orff… deviendraient inaccessibles. Bien sûr, il resterait possible de convier ponctuellement d’autres choristes, mais sans garantie d’obtenir la même qualité, car la sonorité d’un chœur se construit sur du travail à long terme.

Une perte patrimoniale

Ce n’est pas seulement dommage sur le principe, explique Sylvie Bertho, soprano et représentante des choristes au CE. Nous perdrions ce qui fait notre spécificité (une taille importante permettant d’aborder des œuvres symphoniques) pour nous retrouver dans une catégorie comprenant déjà de nombreux chœurs professionnels qui excellent. On perdrait un son spécifique.

Mais cette perte d’originalité est également dommageable pour le public. Ce répertoire symphonique est en effet un patrimoine, ajoute-t-elle. Ils n’est pas joué très souvent parce qu’il demande beaucoup de moyens, alors que par ailleurs, le public est demandeur. En outre, à l’heure où il est question de démocratiser la musique classique, ce sont des œuvres assez faciles d’accès qui ne seront plus jouées. Ces choix, qui conduiraient à un appauvrissement considérable pour le public, sont incohérents, conclut Sylvie Bertho.

Enfin, il est prévu que plus aucun concours de recrutement ne puisse être organisé pendant les deux ans suivant le départ programmé des choristes. Ce qui pourrait mener à 2025. Mais un chœur qui vit a besoin d’un renouvellement régulier, souligne Sylvie Bertho. Des membres partent, d’autres arrivent, c’est sa vie normale. Une telle mesure risque de le figer et d’empêcher l’arrivée de jeunes choristes, ce qui pourrait apporter encore plus de dommages à long terme.

France Média, un plan à long terme

Cette réduction des effectifs souhaitée par la direction n’est pas due à des difficultés financières. Au contraire, Radio France va bien. Son bilan est excédentaire, au point qu’en 2018, elle a rendu 1,6 million d’euros à l’État. Il s’agit en réalité de faire 20 millions d’économie pour préparer la création de France Média, futur holding chapeautant la radio de service public, France Télévision, l’INA, etc. Il est en outre prévu un développement du numérique pour lequel la direction cherche à « récupérer » des crédits.

A ce jour, ni la directrice de Radio France, Sybile Veil, ni le ministre de la culture, Franck Riester, n’ont accepté de rencontrer les grévistes ou d’entamer un dialogue. Ils ont au contraire annoncé qu’ils resteraient fermes sur leurs positions. La grève de Radio France, commencée lundi 25 novembre, a pour le moment été reconduite jusqu’à demain lundi, 23h59.