A quoi ressemblent mes cordes vocales ? C’est une question qui est souvent posée par les chanteurs, à juste titre puisqu’ils sont les seuls musiciens à avoir leur instrument à l’intérieur de leur corps. De cet instrument complexe, les cordes vocales sont un des composants essentiels. Récemment, Yves Ormezzano faisait état, au cours d’une conférence donnée pour l’AFPC (Association Française des Professeurs de Chant), de ses connaissances des cordes vocales, construites au cours de sa carrière de phoniatre.
Le premier à avoir théorisé la voix avec justesse est Manuel Garcia fils (1805-1906), frère de Pauline Viardot et de Marcia Malibran. A la fois chanteur et anatomiste, professeur de chant, il a utilisé ses connaissances et son expérience pour décrire la physiologie de la voix. C’est ainsi qu’en 1840, il a présenté un mémoire sur la voix, devant l’Académie des Sciences. En 1855, il est le premier à utiliser un laryngoscope à miroir, qui lui permet d’observer le larynx pendant qu’une personne chante. Il décrit avec une perspicacité remarquable les mécanismes vocaux qui permettent le chant. Il a utilisé ses connaissances pour fonder une méthode d’enseignement du chant qui reste célèbre aujourd’hui encore : le Traité complet de l’art du chant.
Des centaines de vibrations par seconde
A sa suite, des médecins ont continué à explorer la voix et son anatomie est désormais bien connue. Les cordes vocales, qui permettent de produire le son, se situent à l’intérieur du larynx, un organe composé de cartilages, de tendons et de muscles. Elles ne ressemblent pas vraiment à des cordes, en réalité, mais plutôt à des replis de muqueuses qui recouvrent des muscles. Yves Ormezzano les compare aux lèvres dans leur apparence, et surtout, dans la manière dont elles vibrent. Le mouvement des cordes vocales est en effet assez similaire à celui des lèvres de quelqu’un qui produirait un son vibrant comme « pfrrrr ». Il est ainsi possible d’avoir une bonne idée du mouvement des cordes vocales en s’entraînant, par exemple, à faire vibrer les lèvres l’une contre l’autre face à un miroir. Cela permet de se rendre compte que c’est l’alternance entre occlusion et ouverture du passage de l’air qui permet de produire une onde sonore. De même, cela permet de voir que plus les cordes vocales sont serrées, tendues, allongées et plus le son est aigu.
En faisant cet exercice, on peut aussi s’apercevoir que la vibration est extrêmement rapide : 440 fois par seconde pour produire un LA, par exemple. Une vibration invisible à l’œil nu et qu’il est impossible de reproduire par la volonté : on ne peut pas décider de faire vibrer ses cordes vocales 440 fois par seconde mais on peut en revanche décider de chanter un LA.
Dernière barrière avant la mort
Yves Ormezzano précise que si le larynx, dans lequel se trouvent les cordes vocales, est essentiel à la production d’un son parlé ou chanté, il ne sert pas qu’à cela : « C’est là que tout se complique ». Le larynx sert aussi à respirer, puisqu’il est un des composants du système respiratoire. L’air passe obligatoirement par ce conduit. Il a enfin un rôle essentiel à jouer dans la déglutition. En refermant les cordes vocales, il empêche les aliments ou les liquides de faire fausse route et de se diriger vers les poumons.
« Les cordes vocales sont la dernière barrière avant la mort », résume Yves Ormezzano. « Si une gorgée d’eau ou une cacahuète passe cette limite, l’individu est en danger et peut succomber. Le larynx est donc beaucoup plus programmé pour les contracter et les fermer que pour les détendre. C’est également la raison pour laquelle les grandes émotions peuvent altérer la voix ; l’expression « avoir la gorge serrée » n’est pas qu’une métaphore ». Mais ce réflexe de survie ne fait pas l’affaire des chanteurs qui, eux, ont plus souvent besoin de détendre que de contracter les muscles situés dans la zone laryngée.
En chantant tandis que les muscles du larynx sont tendus, on force sur les cordes vocales. Le risque est alors de former des nodules ou des polypes. « Le nodule, c’est l’équivalent d’une callosité créée par un frottement, le polype, c’est l’équivalent d’une ampoule », précise Yves Ormezzano. L’un comme l’autre peuvent altérer la voix, nécessiter d’arrêter de chanter et, parfois, rendre indispensable une opération chirurgicale. Le travail d’apprentissage du chant, que ce soit pour les amateurs ou les professionnels, doit donc comprendre des moyens d’éviter les tensions inutiles.