Dominique Moaty, chanteuse et enseignante, est spécialiste de la pédagogie de la voix de l’enfant. A ce titre, elle travaille régulièrement avec la maîtrise de Radio France. A la fin du mois d’octobre, elle a ouvert les journées de l’Association Française des Professeurs de Chant (AFPC) par une conférence sur la voix de l’enfant. Celle-ci est en effet dotée de caractéristiques propres, dont doivent tenir compte ceux qui font chanter des enfants ou des adolescents.
« L’enfant n’est pas un adulte en miniature ». C’est par ces mots que Dominique Moaty a débuté sa conférence sur la voix de l’enfant, lors des journées de l’AFPC qui ont eu lieu à la fin du mois d’octobre. Et ce qui est vrai pour son organisme l’est également pour sa voix. Le larynx du nouveau né contient en effet plus de cartilage que celui de l’adulte et il est, d’une manière générale, plus « mou ». Ses cordes vocales sont également plus courtes et plus larges que celles de l’adulte. Le larynx est également très haut.
Au cours de la croissance, tous les organes qui servent à parler et à chanter vont évoluer progressivement. Les cordes vocales vont s’allonger et s’affiner, le palais va s’abaisser, l’arrière de la bouche va reculer et le larynx va descendre. Cette dernière évolution se poursuivra d’ailleurs pendant toute la vie. Ces modifications ont une influence sur le volume de la bouche – tout petit chez le nourrisson, il devient de plus en plus grand – et donc sur la nature du son produit. Il en va de même des sinus, qui ont une influence sur le son : leur forme va évoluer avec la croissance.
Tenir compte des caractéristiques propres à l’enfant
Autre spécificité propre à l’enfant, la respiration qui, jusqu’à 6 ans, est uniquement abdominale. Il est donc inutile de la leur apprendre. La marche, quant à elle, n’est pas encore totalement acquise vers 5 – 7 ans, et à 9 ans, c’est une compétence récente. Cela induit un besoin de bouger dont il faut tenir compte. Il faut enfin se rappeler que la bouche d’un enfant est un « chantier permanent ». Les dents tombent les unes après les autres, ce qui provoque des trous temporaires, et les dents qui repoussent occupent plus de place que celles qui sont tombées. A l’adolescence, vient l’époque des appareils dentaires, qui sont aussi une source de perturbation importante pour un jeune chanteur.
Même si un enfant apprenti chanteur a tout à acquérir, il ne faut pas pour autant s’imaginer qu’il est une page blanche. Dès avant la naissance, il y a une influence culturelle, due au fait que l’enfant a entendu la voix de sa mère in utero. L’apprentissage de la voix et du langage commence donc dans le dernier trimestre de la grossesse.
Cette influence est perceptible dès la naissance. En effet, la langue de la mère et sa manière de parler déterminent en partie la manière de pleurer de l’enfant. « Les enfants pleurent avec un accent », résume Dominique Moaty. Plus tard, l’influence de la culture se fait sur le placement de la voix. En occident, les garçons vont d’instinct vers la voix de poitrine et les filles vers la voix de tête. Ce n’est pas le cas dans toutes les régions du monde et cela dépend des habitudes du pays.
La mue, une période délicate
La mue est une période spécifique de l’adolescence qui correspond à la maturation des organes phonatoires. Chez les garçons, elle est nettement perceptible et peut être plus ou moins longue. Cependant, on oublie souvent qu’il y a également une mue chez les filles. Plus lente et moins franche, elle peut passer inaperçue mais elle n’en est pas moins réelle : les cordes vocales s’allongent d’environ un tiers de leur longueur initiale. C’est pourquoi, à l’adolescence, il ne faut pas les assigner à une tessiture, au risque de perturber le phénomène et de provoquer des dommages sur la voix. Nicole Charpy, phoniatre, révèle que presque toutes les pathologies de la voix chez les filles sont des mues faussées. Il est en outre souhaitable d’observer les mêmes précautions qu’avec les garçons : chanter dans le registre où l’on se sent à l’aise, ne pas forcer.