Pour ce courrier du chœur, non pas une mais deux questions qui se complètent, l’une et l’autre posées par des choristes amatrices. Caroline demande s’il vaut mieux bouger lorsqu’on chante ou bien rester statique. Gaëlle voudrait savoir s’il est préférable de chanter debout ou assis.
Réponse d’Eléonore Le Lamer, chanteuse et cheffe de chœur professionnelle
Il vaut mieux bouger quand on chante. En effet, on chante dans son corps et, finalement, notre instrument c’est nous même. Et même si, bien sûr, on chante avec son larynx et son appareil respiratoire, le chant, lui, « va partout » dans le corps.
Si on est statique, il y a une tension qui s’installe. Bouger va permettre plusieurs choses. D’une part, faire sauter un certain nombre de verrous et, par là, libérer notre corps et le mettre en confiance. Le mouvement va ainsi faciliter l’émission vocale. D’autre part, il va nous aider à lever certaines barrières psychologiques telles que le stress. Cela est particulièrement vrai pendant les concerts, où le trac peut être une gêne. Enfin, si on est statique, cela s’entend dans l’interprétation. Le son devient, lui aussi, « statique », en quelques sortes. Alors qu’en bougeant, on trouve une justesse, y compris dans l’interprétation. Rappelons que pendant longtemps, le chant et la danse étaient liés ; chanter en bougeant était habituel.
Concernant le type de mouvement, cela dépend de ce que l’on chante. On n’aura pas des mouvements identiques en chantant de la variété, du jazz ou du classique. On ne bougera pas de la même manière en chantant du gospel ou un requiem, parce qu’on n’engage pas la même énergie. Mais bouger, cela ne signifie pas forcément interpréter une chorégraphie, ni même obligatoirement faire des gestes dans tous les sens. On peut faire des micro mouvements, partir du bas du corps, des appuis. On a alors un petit fil conducteur donné par le corps.
Attention aux gestes parasites
Pour autant, tout mouvement n’est pas souhaitable et on peut avoir des gestes parasites, qui, eux, sont préjudiciables. Par exemple, on va bouger le sternum en rythme, lever les épaules, crisper les bras… Ces gestes sont involontaires, souvent inconscients, et sont le signe que le cerveau essaye de contrôler quelque chose. Le corps est alors dans une forme de tension qui n’est pas souhaitable car elle va gêner l’émission sonore et dégrader la qualité du chant.
Concernant la pulsation, on peut la faire passer par le corps mais elle ne doit pas devenir un tic dont on ne peut pas se débarrasser. En outre, si elle est acceptée dans certaines musiques comme le jazz, la variété ou le gospel, il est d’usage de la proscrire en musique classique. Je pense pour ma part qu’il vaut mieux ne pas marquer les temps mais plutôt la carrure, c’est-à-dire les « phrases » musicales. On fera, par exemple, une pulsation toutes les mesures ou toutes les deux mesures, en fonction du morceau.
Assis ou debout
La question n’est pas d’être assis ou debout mais plutôt de changer régulièrement. Et cela varie aussi avec ce qu’on chante. Au final, il faut surtout savoir passer de l’un à l’autre. On peut même, par moment et si les conditions le permettent, s’allonger. C’est un bon exercice, que je propose parfois aux choristes pendant les répétitions.
Là encore, aucune de ces positions n’est un problème en soit. Ce qui est préjudiciable, c’est l’immobilité. Quant à la posture adoptée pour chanter, elle peut être bonne ou mauvaise dans les deux cas et mieux vaut une personne assise avec le dos droit qu’une debout qui se tiendrait mal.
C’est vraiment au chanteur et/ou au chef de chœur de trouver ou de proposer une position qui soit confortable.
En tant que cheffe de chœur, j’essaye vraiment d’alterner les deux. Par exemple, je peux commencer les échauffements en position assise, pour réveiller le corps en douceur, étirer les jambes, puis je propose de se lever pour la suite. De même, en répétition, le travail de déchiffrage et d’apprentissage se fait généralement assis et on se lève pour filer la totalité du morceau. En concert, on peut parfois rester debout assez longtemps ce qui peut être un problème pour certains, surtout pour ceux qui sont un peu âgés. Mais il est possible de faire quand même des petits mouvements, de veiller à ne pas « verrouiller » ses genoux, etc.
Au final, l’idéal -et ce qui est difficile- est de trouver un équilibre entre une certaine détente (c’est-à-dire éviter les tensions inutiles) et la tonicité qui est nécessaire au chant. Pour cela, il est important d’être à l’écoute de son corps et je suis persuadée que le mouvement le permet, au moins en partie.
Eléonore Le Lamer est la fondatrice de la Mysterious Opus Compagnie, une association d’ensembles vocaux « à géométrie variable », qui travaillent et donnent régulièrement des concerts dans le grand Ouest.
Son site : mysteriousopuscie.com