Parce qu’elle est la marraine de Trémolo Magazine et que nous nous étions promis de suivre sa carrière au fil du temps, nous avons pris des nouvelles d’Angélique Boudeville. Pour qu’elle nous raconte son confinement et comment un tel événement peut influencer la carrière d’une jeune cantatrice. Nous ferons aussi un zoom sur les suites et sur son programme pour la fin de l’année.

Photo © Orlane Photographie

Trémolo Magazine . Comment s’est passé votre confinement ?

Angélique Boudeville . J’ai eu la chance d’être en en Bourgogne, ma région natale. Il y a eu beaucoup d’annulations de spectacles et, finalement, très peu de reports. Je devais chanter Leïla dans les Pêcheurs de perles au printemps mais les concerts ont été supprimés. En revanche, un concert prévu en mars à Lucerne, en Suisse, a été repoussé à l’année prochaine.

J’ai ressenti un mélange d’émotions : la tristesse, d’abord, et puis est venue une sorte de résilience, qui m’a poussée à chercher ce que je pouvais faire de positif.

Je me suis efforcée de rester active. Donc j’ai beaucoup chanté, j’ai fait du vélo elliptique et marché une heure par jour, puisque j’avais la chance d’être à la campagne. J’ai aussi fait la cuisine et du jardinage ! Et puis j’en ai profité pour me remettre à la méditation. C’est une activité que j’ai commencée il y a 10 ans et que j’avais un peu délaissée. C’était le bon moment pour m’y remettre parce que cela permet de ne plus faire corps avec l’angoisse et le stress. Et enfin, j’ai régulièrement pris des nouvelles de mes proches. Cette pandémie nous a aussi rappelé le moment présent, qu’il faut chérir. Professionnellement, j’ai donné des cours en visioconférence et j’ai également pris des cours de mon côté.

TM . C’est possible, de donner des cours de chant en visioconférence ?

AB . Oui, avec les élèves que l’on connaît déjà et avec qui j’ai déjà un langage en commun. Avec de nouveaux élèves, par contre, cela ne me semblerait pas possible. Il faut parfois pouvoir toucher un élève, au début. De la même manière, je profite des cours que je prends parce que j’ai une relation de longue date avec mon professeur.

Les cours que j’ai pris étaient organisés à raison d’un après-midi par semaine. Cela me permettait d’avoir un objectif, de travailler ma technique et du répertoire. J’ai ainsi pu préparer la prochaine saison malgré tout. Je travaille le rôle de Mimi dans la Bohème, en prévision des répétitions qui commenceront en novembre. J’espère, de cette manière, ne pas surcharger mon été. Je vais me concentre sur ce rôle et, peut-être, sur un ou deux airs pour une audition. Prendre de l’avance sur ce travail me permettra de bénéficier de ses conseils de Mélanie Jackson cet été, pendant un stage que je prévois avec elle. [Elle rit.] J’avais la chance d’être à la campagne donc il n’y avait pas de problème avec les voisins.

TM . Vous avez également fait des vidéos avec un pianiste, Alessandro Praticó.

AB . Quand on est dépourvu de son moyen d’expression et de son public, il faut trouver un autre moyen d’exister. Faire une vidéo, c’est une façon comme une autre de vivre le confinement. C’est aussi un défi artistique, parce qu’il faut enregistrer séparément. Au début, nous avons enregistré le piano en premier, puis le chant. Cela me faisait une sorte de version karaoké mais c’était assez inconfortable. Par la suite, nous avons fait l’inverse.

[Les vidéos peuvent être retrouvées sur le compte Instagram d’Angélique]

TM . Quel est votre programme pour après l’été ?

AB . Je vais donner un récital le 10 octobre, en Bourgogne, au studio Stephen Paulello, à Villethierry, dans l’Yonne. En décembre, je chanterai le rôle de Mimi dans la Bohème, à l’Opéra de Marseille. Le metteur en scène sera Léo Nucci. Je ne le savais pas au moment de signer mon contrat mais j’en suis ravie. Ensuite, au printemps, j’ai un programme qui se remplit, avec le Te Deum de Dvorak et les Nuits d’été de Berlioz. Les activités redémarrent.

TM . Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

AB . J’ai un peu peur, j’éprouve un trac inhabituel et une grande responsabilité vis-à-vis des spectateurs. Nous venons tous de vivre une période éprouvante, ils ont plus que jamais besoin de vibrer, besoin que l’on touche leur âme. Je ressens donc plus que jamais la nécessité d’être au service de l’œuvre et du public. Nous devons être forts pour eux parce qu’ils ont manqué de beaucoup de choses. Et c’est une responsabilité qui fait un peu peur.

Pour la suite, j’espère que les maisons d’opéra pourront se redresser mais ce sera difficile. L’Opéra de Paris compte à lui seul 45 millions de déficit à ce jour. J’espère que les opéras feront appel à des jeunes talentueux et encore peu connus, qui « coûtent » moins cher mais ont des choses à dire. Pour eux, cela pourrait être une chance, après tout.

Quant à moi, ce que je veux, c’est être au cœur de la vie musicale plus que jamais. Défendre cet art, qui a souffert mais a encore beaucoup à donner.