La musique et la danse en grève

Au milieu des mouvements sociaux qui secouent la France actuellement, certaines institutions culturelles ont fait entendre leurs propres revendications. Réforme des retraites, revendications salariales ou refus d’un plan de suppression de postes, il semble que les différentes raisons tendent à rejoindre un mouvement commun de protestation.

En grève Radio France, y compris les deux orchestres et le chœur. En grève l’Opéra de Paris et celui de Lyon. En grève l’Opéra de Bordeaux. Si ces différentes institutions ont fait taire tout ou partie de leurs productions et entendre leurs revendications au cours du mois passé, toutes n’ont pas les mêmes raisons.

Ce sont d’abord les différentes radios qui composent Radio France, ainsi que les deux orchestres et le chœur, qui ont cessé le travail le 25 novembre, pour s’opposer à un plan de suppression de 299 postes (voir l’article précédent, publié sur le site le 1er décembre). A ce jour, quelques propositions de la direction (dix suppressions de moins et un étalement plus important des autres suppressions) ont été refusées par les syndicats et un nouveau préavis de grève, qui concerne la totalité de Radio France, a été déposé pour le 31 décembre. Du côté des formations musicales, rien n’a bougé. « Nous entamerons donc l’année 2020 dans la contestation », observe Sylvie Bertho, soprano et représentante des choristes au CE.

Réforme des retraites et revendications salariales

A l’Opéra de Bordeaux, ce sont des revendications salariales qui ont conduit une partie du personnel à déposer un préavis de grève. Ils dénoncent des salaires bloqués, un abus de l’intermittence, des plans de carrière « au rabais ». Un bras de fer entre les salariés qui avaient déposé un avis de grève, allant jusqu’au 31 décembre, et la direction, ont conduit à l’annulation de trois représentations du ballet Cendrillon, après une première perturbée. Les négociations devraient reprendre le 15 janvier.

Enfin, c’est la réforme des retraites qui mobilise l’Opéra de Lyon et l’Opéra de Paris. A Lyon, la direction avait décidé, en raison du mouvement national, de décaler la représentation du 17 décembre au lendemain. Mais c’est ce report de dernière minute qui a décidé les artistes à annuler la représentation du 18 décembre. Un texte a été lu sur scène, devant le public, qui s’est partagé entre sifflets et applaudissements.

L’Opéra de Paris, quant à lui, connaît une grève de tous ses corps de métier contre la réforme des retraites. Le 17 décembre, ce sont les chanteurs qui ont donné de la voix sur les marches de l’Opéra Bastille. Et c’est ainsi que l’on a pu entendre résonner la Marseillaise ou Va Pensiero, le chœur des esclaves du Nabucco de Verdi.

Du côté des danseuses et des danseurs, il est question de remettre en cause leur régime de retraite, qui fixe obligatoirement la fin de leur carrière à 42 ans et demi. Une particularité justifiée par un début généralement précoce (vers 15 ou 16 ans) mais surtout par le fait que passé cet âge, il devient physiquement impossible de maintenir l’excellence exigée par la compagnie. Or, les possibilités de reconversion ne suffisent pas à les employer tous. Depuis le 5 décembre, ce ne sont pas moins de 54 représentations qui ont été annulées et, dans un communiqué publié le 23 décembre, la direction faisait état d’une perte de huit millions d’euros.

Coup d’éclat le 24 décembre, le corps de ballet et l’orchestre ont interprété des extraits du « Lac des cygnes » sur le parvis de l’Opéra Garnier, devant deux banderoles résumant leurs revendications. Une médiatisation fructueuse, puisqu’elle a été relayée par tous les grands médias, ainsi que sur les réseaux sociaux. Face à leur détermination et à la longueur du mouvement, le gouvernement a proposé un aménagement qui reporterait l’entrée en vigueur du texte et ne concernerait que les danseurs recrutés à partir de 2022. Un accord refusé par le ballet. « Il nous est proposé d’échapper personnellement aux mesures, pour ne les voir appliquées qu’aux prochaines générations, on-t-ils déclaré. Mais nous ne sommes qu’un petit maillon d’une chaîne vieille de 350 ans ». « Cette chaîne doit se prolonger loin dans le futur : nous ne pouvons pas être la génération qui aura sacrifié les suivantes. »