Aujourd’hui, la question que nous avons retenue pour notre courrier du chœur est posée par Amélie, 21 ans, jeune chanteuse lyrique, élève dans une classe de chant.

On m’invite à chanter dans un chœur de jeunes, d’assez bon niveau et qui aborde des répertoires que j’aime beaucoup. Je suis très tentée de les rejoindre mais j’ai peur que cette pratique abîme ma voix lyrique. Est-ce que je peux malgré tout tenter cette expérience et, si oui, comment l’aborder ?

Réponse d’Agnès Brosset, cheffe de chœur, enseignante en chant lyrique et en pédagogie de la voix.

La peur de voir sa voix lyrique abîmée par le travail au sein d’un chœur est une peur ancienne, issue d’une vision rétrograde du travail de la voix. En réalité, les deux pratiques (chant soliste et en chœur), sont plutôt complémentaires. D’ailleurs, les chœurs professionnels embauchent des chanteurs solistes.

Le travail de la voix consiste, dans tous les cas, à optimiser les paramètres de puissance, de tessiture et d’homogénéité. Par conséquent, on cherche les même qualités pour un chœur comme pour les solistes et on travaille les mêmes paramètres. Il n’y a aucune contradiction.

En outre, en chantant dans un chœur, on développe ses capacités d’écoute et on apprend à chanter dans une harmonie. C’est donc un excellent moyen de se préparer à chanter avec un orchestre.

Enfin, pour chanter dans un chœur, il faut maîtriser la puissance de sa voix et son vibrato. Ce n’est certes pas facile, mais un chanteur ou une chanteuse qui ne sait pas faire cela n’a, tout simplement, pas encore une technique accomplie et il lui reste du travail. Pour cela, chanter dans un chœur va être une aide et certainement pas un obstacle.

En bref, quand on joue de la musique, on doit forcément tenir compte des autres et savoir jouer avec eux. Chanter dans un chœur est un excellent moyen de faire cet apprentissage.

La seule réserve que je pourrais exprimer réside dans la manière de travailler dans un chœur. Ce qui peut abîmer la voix, par exemple, c’est de chanter le plus fort possible tout le temps. On ne doit pas chercher la puissance à tout prix… mais de la même manière que quand on est soliste. Même si on engage de l’énergie en chantant, cela reste de l’art et si parfois on a besoin de chanter haut et fort, ce n’est pas le cas tout le temps.

Pour contrôler cela, il est très important que le chef connaisse le travail de la voix. Finalement, chanter dans un chœur n’abîme pas la voix mais la technique mise en œuvre, elle, peut le faire. On peut faire des dégâts, par exemple, si on cherche à uniformiser les voix. En revanche, si chacune d’entre elles est respectée dans sa singularité, il n’y a pas de problème. D’ailleurs, ce qui est bon pour l’individu est aussi bon pour l’ensemble : c’est la richesse de la diversité des voix qui fait la « pâte » d’un chœur, ce sont les timbres différents mis ensemble qui produisent la beauté et provoquent une émotion.

Enfin, à titre individuel, être dans la masse peut donner envie d’être « à fond » mais seulement si on est hors de soi-même. Le travail consiste à veiller à ce que cela n’arrive pas.