Photo : Collection personnelle

Pour ce nouveau courrier du chœur, c’est Gaëlle, choriste amateure, qui pose une question : « Est-ce que tout le monde peut chanter juste ? »
Réponse d’Isabelle Chauvin, professeur de chant au conservatoire de Brest et cheffe de chœur.
Avant tout, c’est un grand Oui ! A part peut-être dans les cas où il y a un problème physiologique avéré, qui nécessiterait une rééducation, tout le monde peut chanter juste. J’ai travaillé avec des enfants, des  adolescents, des adultes. Il peut y avoir des problèmes, qu’il est parfois long de régler, mais tout s’arrange. Il faut aussi se donner le temps. Car cela prend du temps.

Chanter juste : définition
Avant tout, ne devrait-on pas définir ce qu’est « chanter juste » ? Je pourrais dire que c’est chanter quelque chose que les autres reconnaissent. Et pour la personne qui chante, c’est se repérer. Une fois cela posé, la question est de savoir comment apprendre à chanter juste, sachant qu’il est nécessaire, pour cela, d’éduquer la voix et l’oreille. Je préconise de jouer avec sa voix, avant tout sur la voix parlée, en explorant ses différentes hauteurs, en faisant des imitations (un bébé, un chat, une sirène…), de travailler sur le caractère des personnes, etc. Le premier objectif de ces exercices est d’oublier que l’on chante parce qu’il y a souvent une peur installée, parfois même un interdit. L’idée est donc de visiter sa voix et, en s’amusant avec, d’en faire la connaissance. C’est ainsi que via le jeu et l’expression, l’engagement de l’être et du corps, nous mettons en place, sans le savoir, les mécanismes du chant.

Travailler son oreille

Pour chanter juste, il faut entendre ce que l’on chante et pour cela, il  faut travailler son oreille. Cela se fait à deux niveaux. Il faut avant tout s’entendre dehors,  sachant que le son varie en fonction du lieu, de l’espace autour de soi. Il faut également s’entendre dedans, être en vibration. On peut, par exemple, produire un son bouche  fermée en s’allongeant au sol, pour sentir son corps vibrer. L’objectif est de développer la  réceptivité de la voix sur un plan corporel et vibratoire. Ce faisant, on se met en état de réceptivité de notre voix et du  son que nous créons.

Chercher une image sonore

Cependant, tout cela ne peut se faire que si l’on a auparavant cherché une image sonore. Cela signifie se représenter ce que l’on veut chanter et identifier dedans ce que l’on entend, pour pouvoir le reproduire. Autrement dit, il faut prendre le temps d’avoir entendu avant de chanter et c’est cette mémoire sonore qui permet de chanter juste. L’apprentissage de ce processus peut être long. C’est un labeur tranquille, qui ne peut pas aller vite. En outre, la progression n’est pas linéaire. Parfois, il y a des stagnations, ou même, temporairement, des retours en arrière. C’est normal. Souvent, ce qui influence et paralyse, c’est le jugement : la peur du jugement des autres et le jugement que l’on porte sur soi.

Apprendre en s’exerçant

Différents types d’exercices sont possibles : Jouer à « même pas peur ». Même pas peur de se connaître, d’explorer, de se surprendre… dans la souplesse. Ne pas avoir peur non plus de développer son ambitus (l’étendue de la voix entre la note la plus élevée et la plus grave possibles). Faire des exercices d’intonations. Intégrer la notion d’espace entre les notes, en jouant avec les intervalles, plus petits ou grands. Il y a en effet un espace réel entre les sons, qu’il faut pouvoir appréhender. Pour cela, on peut travailler ensemble la gestuelle et l’imaginaire. Par exemple, essayer de faire des glissando en imaginant un ascenseur.

Comment faire pour s’entendre ?

Seul, il peut être bon de s’enregistrer, non pas pour se critiquer mais pour pouvoir se  rendre compte de ses progrès. C’est une technique que les professionnels utilisent. On peut également mettre ses mains devant ses oreilles, pour ne pas avoir d’écoute directe et  entendre la voix revenir par l’arrière. C’est un bon moyen de travailler sur la justesse. En groupe, un exercice efficace consiste à se mettre par deux, dos à dos. Cela permet d’entendre l’autre et de suivre ce qu’on l’on entend derrière. Etre positionné derrière est mieux que d’être devant, parce que cela permet de faire un travail sur l’écoute latérale et globale. Cela conduit à développer une écoute plus large, moins sur soi.