Créer un projet musical, impliquer des adolescents de 5 pays différents. C’est le pari lancé par l’équipe d’un collège parisien, rejointe par des collègues britanniques, italiens, allemands et espagnols. Cette aventure au long cours, baptisée The European Music Show, a donné naissance à une comédie musicale –Le monde est nouveau– deux CD et un DVD. C’est aussi un projet pédagogique hors norme, dont les jeunes garderont probablement un souvenir impérissable.

Intéresser ses élèves à la matière qu’elle enseigne. Tel était le souhait de Lily Abboudi, professeur d’anglais au collège Alberto Giacometti à Paris. Pour elle qui utilise déjà la musique et les chansons dans ses cours, c’est un moyen de les motiver et les aider. Les élèves « se lâchent » plus facilement avec la musique, observe-t-elle.

Par ailleurs, elle fait partie du réseau européen eTwining, qui permet les échanges et la création de projets entre des enseignants de différents pays d’Europe. C’est de cette double aspiration à une collaboration internationale et à la musique qu’est née l’idée d’un projet musical regroupant des élèves de plusieurs pays.

Un projet résolument européen

Pour être conforme au projet d’établissement, la démarche devait dépasser le cadre de l’anglais et devenir européenne. L’année 2015-2016 a été une période test, consacrée à la recherche de partenaires dans les 4 pays correspondant aux langues enseignées au collège Giacometti. Il s’agissait de travailler une chanson qui pourrait être chantée par les élèves des classes retenues dans les 5 pays. C’est ainsi que que le choix s’est porté presque naturellement sur l’Hymne à la joie. Une version a été enregistrée, qui a clos la première phase du projet mais a surtout ouvert sur une deuxième, plus élaborée.

Modeste au début, le projet a pris de l’ampleur au fur et à mesure de son avancement. D’une chanson commune, il est devenu une série de 34 chansons puis une comédie musicale. L’idée initiale -produire un clip- est devenue un projet de film lorsqu’un réalisateur, Luc Porta, a gracieusement proposé ses services. Cela signifiait alors qu’il fallait ajouter chorégraphies et mise en scène. Et puisque l’utilisation de musiques non libres de droit posait problème, il a été décidé de composer des musiques originales.

Dans le même temps, des parents se sont enthousiasmés pour le projet. Parmi eux, Pascal Vaillant, représentant des parents d’élèves. Très investi, il avait l’avantage de parler les 5 langues impliquées dans l’aventure et a joué un rôle de coordinateur très important, du début à la fin. Il a également écrit quelques textes.

Au fil des rencontres et des propositions, le projet a ainsi fait boule de neige. Ce qui l’a rendu plus intéressant mais aussi plus compliqué à mener à bien, conclut Lily Abboudi.

Construire une œuvre collective

Lilly Abboudi et Pascal Vaillant, sur scène pendant un des concerts qui ont jalonné le projet.

Créer une comédie musicale impliquait de trouver une trame narrative qui permette un enchaînement des chansons, ainsi que l’intégration de personnages et de lieux de tournage dans tous les pays. Ce travail devait être fait en quelques mois seulement et devait recueillir l’adhésion de tous, c’est pourquoi les 5 équipes y ont contribué, en écrivant les dialogues et le script. Cela donne un résultat parfois un peu disparate, en termes de mise en scène, d’humour ou de style. Loin d’être un inconvénient, cette disparité est intéressante, souligne Pascal Vaillant. Nous n’avons pas voulu la gommer car elle fait partie de ce qui rend le projet attrayant. Cette construction commune a suscité une large adhésion. Et cerise sur le gâteau, les élèves ont été invités à décider eux-même de la fin de l’histoire. Quant aux textes, dans les 5 langues, et aux musiques, ils ont été écrits par des enseignants et des parents.

Luc Porta, réalisateur

La réalisation du projet s’est étalée sur deux ans. Pour Lily Abboudi, il n’a pas été facile de maintenir la motivation des jeunes sur une durée aussi longue, d’autant plus que certains d’entre eux n’ont compris qu’après un long temps l’ampleur du projet. La plus grande partie du travail d’apprentissage et de répétition s’est faite à distance et était par conséquent assez abstraite. Heureusement, les moments de tournage ont permis aux jeunes de travailler ensemble, de s’entraider, de prendre du plaisir à construire une œuvre commune. Et c’est bien là qu’était l’objectif des équipes pédagogiques : susciter des rencontres entre des adolescents de pays différents, les amener à utiliser des langues étrangères dans un contexte non scolaire, à se détendre vis-à-vis des apprentissages linguistiques et, finalement, leur ouvrir des horizons.

Mais cette aventure a aussi révélé des ressources chez les adultes. Des enseignants et des parents se sont impliqués, dans l’écriture des chansons, dans l’accueil des jeunes pendant les séjours consacrés aux tournages, ou encore dans la conception du site internet ou des CD.

Claudia Urbano Fernandez, dans le rôle de Carmen.

Un projet hors norme…

The European Music Show est un projet unique, d’une ampleur exceptionnelle. Parti de l’idée d’une enseignante et d’un parent, il est devenu une création originale à part entière, collaborative, aboutie. Deux CD et un DVD ont été produits, ainsi qu’une série de concerts et de projections. En tout, ce sont 128 élèves et une trentaine d’adultes qui ont participé à la réalisation de la comédie musicale (dont 64 élèves -un dixième des effectifs- et 6 enseignants du collège Giacometti). Sur le plan artistique, il y a certainement des imperfections, souligne Pascal Vaillant. Néanmoins, on ne crée pas une comédie musicale tous les jours. En ce sens, notre projet est une véritable réussite. De fait, sur la période qui a été nécessaire à la réalisation du projet, 2200 collaborations entre des établissements européens ont été recensés. Trois d’entre eux seulement concernaient un collège, sur des initiatives plus classiques. The European Music Show est donc une réalisation d’une ampleur inédite. Seule ombre au tableau, Pascal Vaillant regrette un manque d’intérêt de l’éducation nationale. Alors que le rectorat doit officiellement valoriser les projets européens, nous n’avons reçu aucune réponse à nos invitations à découvrir notre travail, regrette-t-il.

pour des souvenirs impérissables

Il n’en reste pas moins que les élèves qui ont contribué à cette œuvre en garderont un souvenir durable. Chaque établissement a en effet reçu des délégations de chacun des autres participants. Et pour le tournage de cette histoire, qui se déroule dans 5 pays et dans 5 langues différentes, ce sont 5 semaines de voyage international, étalées de mars à novembre 2017, qui auront été nécessaires. Je ne peux que saluer le travail accompli, raconte Lily Abboudi. Au cours de ces semaines qu’elle qualifie de « sportives », les enseignants et les parents qui l’encadraient, tous bénévoles et amateurs, ont bien souvent dû improviser, avec des contraintes qu’ils n’avaient pas toujours pu anticiper, avec le froid, les caprices de la météo…

Il y a eu beaucoup de brassage de jeunes venus des différents pays au cours des tournages et des concerts, se réjouit Lily Abboudi. Et finalement, ce qui a le plus engagé les élèves, ce sont tous les événements qui ont eu lieu autour, observe-t-elle. Il leur a fallu apprendre à jouer, à s’enregistrer, à s’écouter, à patienter jusqu’à l’obtention du résultat. C’est ce qui a marqué le vrai travail. Pour elle cependant, un investissement personnel conséquent, car elle reconnaît que pendant ces deux années, son temps de travail habituel a été doublé. Mais pour Pascal Vaillant, qui n’a pas non plus compté les heures qu’il y a consacré, il y a maintenant un trésor commun, que les jeunes se sont approprié.

Svetlana Moreva, directrice musicale du projet.

Zoom sur la musique

Surveillante au collège Giacometti au moment où le projet a été initié, Svetlana Moreva est musicienne de formation. Présente à chaque étape à titre bénévole, elle a assuré la direction musicale. Sa contribution concerne ainsi l’écriture de certaines mélodies et les arrangements, avec le concours d’Igor Kravtsov et Andreï Kushnikov. Elle a également dirigé le travail au collège Giacometti. Apprendre les chansons et les chorégraphies, apprendre à se tenir sur scène, sans direction, pour être autonomes pendant les tournages et les concerts, a demandé beaucoup de travail aux adolescents. A la fin, ils étaient supers, confie-t-elle. Enfin, Svetlana a accompagné au piano les concerts et les tournages.
Svetlana exprime une grande fierté d’avoir contribué à ce projet. Au-delà du travail musical, elle se réjouit d’avoir pu faire un travail pédagogique avec les jeunes. Ils ont appris à finir ce qu’ils avaient commencé, même si c’est difficile. Il est important de ne pas baisser les bras, conclut-elle.

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