Aujourd’hui c’est Thomas, choriste amateur, qui demande « à quoi sert la technique vocale ». Réponse de Christophe Lizere, chanteur, professeur de chant au conservatoire de Quimper (Finistère), formateur en technique vocale et chef de chœur.

Avant tout, j’aimerais faire remarquer que c’est une question qui ne se poserait pas dans un orchestre. En effet, les membres d’un orchestre, même amateurs, travaillent leur instrument et améliorent leur technique pour progresser. Il n’y a finalement qu’avec le chant que je rencontre régulièrement cette croyance qu’il ne serait pas nécessaire de travailler la technique lorsqu’on est choriste amateur.
Travailler la technique vocale présente de multiples avantages, parmi lesquels la possibilité d’avoir plus d’aisance, plus de plaisir à chanter… et aussi celle de monter des œuvres plus ambitieuses. J’ajouterai que les répétitions sont plus vivantes quand on est acteur de ce qui se passe et il y a, en outre, un potentiel inexploité chez plein d’adultes. Il faut donc lutter contre cette habitude de penser que venir chanter est suffisant.

Les choristes sont des chanteurs à part entière

En tant que chef de chœur, je bouscule parfois un peu les choristes. Je leur dis qu’à mes yeux, ils sont des chanteurs, pleinement et au même titre que moi. Or, lorsque l’on chante, on doit prendre conscience que notre instrument est en nous. Autrement dit, puisqu’on est soi-même l’instrument, il est bon de s’interroger sur le bon usage de soi. Et en plus, il est souhaitable, comme n’importe quel instrumentiste, de travailler, de s’exercer. C’est quelque chose qui concerne autant les amateurs que les professionnels.
De mon côté, en tant que pédagogue, je me demande toujours comment le travail que je propose peut être repris par un chanteur, quelle autonomie je lui permets d’avoir, notamment pour qu’il puisse travailler chez lui. Que ce soit en cours individuel ou en chœur, j’essaye d’expliquer pourquoi on fait un exercice, je donne une méthode pour travailler et arriver à bien chanter tout seul.

Différents moyens de travailler

Parallèlement, j’encourage mes élèves à enregistrer les cours et c’est une chose que les choristes peuvent faire également. Il est possible d’imaginer que dans un chœur, quelqu’un enregistre la séance d’échauffement pour tout le monde. Ensuite, elle peut être réécoutée en prévision de la suivante, mais aussi plus tard, quelques semaines ou quelques mois après. L’enregistrement permet de se rendre compte des progrès que l’on fait, de se rappeler des choses qui ont marché ou pas, etc. Pour quelqu’un qui entreprend de travailler à la maison, c’est un outil qui permet d’avoir une écoute de soi « depuis l’extérieur ».
Si j’insiste pour que les personnes qui travaillent avec moi aient une relative autonomie, le corollaire, c’est qu’en tant qu’enseignant, je lutte contre cette tendance à considérer que l’enseignant ou le chef de chœur est une sorte de « messie » qu’on va suivre aveuglément. Il ne faut pas tout attendre de moi, au contraire, je veux être dans le partage. Entre le chœur et moi, je cherche donc à instaurer un échange et à déclencher cette envie de partage. Par conséquent, ça ne me dérange pas du tout, par exemple, si un ou une choriste me demande pourquoi je propose un exercice et à quoi il sert.
Là encore, il faut se demander à quoi servent les exercices. C’est sur cette base -à quoi ça sert- que je décide de ce que je propose, en adaptant le travail aux personnes qui sont en face de moi. Je ne fais pas travailler des basses comme des sopranos parce que les uns et les autres n’ont pas le même fonctionnement vocal.

Explorer sa voix

Ce que je regrette souvent, avec les chœurs, c’est que certains aspects du travail vocal sont difficiles à aborder. Je manque souvent de temps pour aborder la dimension corporelle, par exemple. Et je ressens le besoin d’avoir un intervenant extérieur. Parce que je ne sais pas tout faire, je rêverais de travailler avec des spécialistes de méthodes corporelles (Mézière, Feldenkrais, Alexander…) ou des spécialistes de la voix (orthophoniste, phoniatre), qui pourraient proposer un travail de technique vocal complémentaire au mien.
Enfin, travailler la technique permet aussi d’explorer sa voix, de savoir dans quel pupitre on est le mieux, ce qui n’est pas si facile qu’on le pense. Au passage, en tant qu’enseignant ou formateur, c’est toujours extraordinaire d’assister à ce moment où une personne découvre sa voix, parce que pour un chanteur, ça fait du bien de découvrir qu’on a une voix qui sonne.
Pour conclure, je dirai qu’il faut se rappeler qu’il est toujours nécessaire d’exercer son oreille, de prendre conscience des phénomènes vocaux et sonores. Ce n’est jamais fini.