C’est Pascal qui, aujourd’hui, pose une question pour le courrier du chœur : « Je me suis mis au chant lyrique sur le tard (57 ans) et depuis une quinzaine d’années, je chante dans plusieurs ensembles amateurs, comme baryton basse.

Je me suis souvenu que lorsque j’avais une vingtaine d’années, je pouvais chanter facilement et indifféremment, soit comme baryton, soit en voix aiguë (ou fausset).

Après 30 ans de tabac et d’oubli, je me suis remis à travailler cette voix, une demi octave au début. Je parviens maintenant à chanter avec une voix homogène sur un octave et demie, mais j’ai également l’impression que cela m’aide à améliorer les graves de mon registre, où je parviens maintenant à chanter des mi et des ré graves beaucoup plus sonores et homogènes, ainsi que les aigus où le choix et la transition voix de poitrine/voix mixte/voix de tête se fait avec beaucoup plus de souplesse. Y a-t-il un intérêt et/ou un risque à développer cette dualité ? »

Réponse de Damien Guillon, contre ténor, fondateur de l’ensemble le Banquet céleste.

Avant tout, j’aime bien parler de registre, plutôt que de voix, de tête ou de poitrine. Nous n’avons qu’une seule voix, qui peut servir pour différents usages.
Le registre de voix de tête, ou autrement appelé de fausset, est un registre que tout homme peut utiliser, avec plus ou moins de facilités.
Lorsque l’on utilise le registre aigu, il se produit une bascule du larynx et les cordes vocales vibrent sur une petite surface, permettant la production de sons plus aigus. Pour certaines personnes, il est très facile de produire des sons dans ce registre, pour d’autres cela est moins naturel, néanmoins, si l’on souhaite l’utiliser dans le cadre du chant lyrique, seul l’entraînement régulier et le travail de technique vocale permettent de parfaire son utilisation.
Les progrès que vous constatez sont certainement dus au fait que vous entraînez plus régulièrement vos cordes vocales à cet exercice. Par ailleurs, travailler le registre de poitrine bénéficie au registre de tête, parce que lorsque l’on chante des notes graves, on perçoit mieux ses sensations. Et il est ensuite possible de faire un transfert. Inversement, travailler le registre de tête permet de faire progresser le registre de poitrine. Les deux peuvent donc être complémentaires.

Surveiller la fatigue vocale

Dans le cadre d’une pratique professionnelle, il vaut mieux s’en tenir à un seule registre, car la gestion du souffle, les repères de placement vocaux sont différents et si l’on veut maintenir un niveau élevé de pratique du chant au quotidien, il me semble qu’il est préférable de se focaliser sur le travail d’un seul registre vocal.
Il en va différemment pour une pratique amateure, qui vise avant tout à se faire plaisir. D’une manière générale, je pense qu’il vaut mieux aller là où l’on se sent le plus à l’aise. Si aucune préférence ne se dessine, je ne vois pas de raison de choisir un registre plus que l’autre. Après tout, il y a une partie du travail qui est commune.
L’utilisation concomitante des deux registres, « poitrine » et « tête », ne présente pas de danger réel. Il faut simplement rester attentif à la fatigue vocale. Celle-ci se reconnaît à différents signes, tels qu’une sensation de fatigue musculaire, une légère douleur, des difficultés à chanter certaines notes (généralement les plus aiguës et les plus graves), ou encore la voix qui se voile. Lorsque l’on ressent ces symptômes, il ne faut surtout pas forcer.
Techniquement, le travail bouche fermée, sans chercher à chanter fort, ou le moïto (travail bouche entre-ouverte mais en collant l’arrière de la langue contre le palais), peuvent être très profitables. Plus généralement, il faut poursuivre un travail technique régulier commun aux deux registres : le souffle, le placement vocal, etc.
Et en cas de doute, le mieux est sans doute de prendre quelques cours avec un professeur, qui saura apporter un avis extérieur et donner des conseils rassurants.

Damien Guillon et le Banquet Céleste viennent de sortir un nouveau CD. Ils mettent leur talent au service d’un programme dédié à des pièces vocales du compositeur baroque allemand Philipp Heinrich Erlebach, dont la production a en grande partie été détruite lors de l’incendie du château de Rudolstadt en 1735. Edition Alpha Classic, mai 2021.